Dans de précédents articles, nous avions suivi une affaire relative à la validité des clauses d’arbitrage insérées dans les contrats d’agence commerciale. Après un passage par la Cour de justice de l’Union européenne, le dossier a fait l’objet d’une seconde décision par la Cour de cassation de Belgique. Cette décision semble aller dans le sens d’une application aussi large que possible du régime de protection conféré à l’agent par le droit belge et, indirectement, d’une fragilisation des clauses d’arbitrage.
Les circonstances étaient les suivantes : un agent établi en Belgique et un commettant établi en Bulgarie avaient conclu un contrat d’agence commerciale soumis au droit bulgare. Les parties étaient par ailleurs convenues de régler leurs différends éventuels par la voie de l’arbitrage. Elles avaient ainsi décidé que leurs litiges seraient tranchés, non par un juge ordinaire, mais par un ou plusieurs juges privés, dont elles s’engageaient à l’avance à respecter la décision. Le commettant ayant mis fin au contrat, l’agent a entamé une procédure devant les cours et tribunaux belges et réclamé une indemnisation sur le fondement de la loi belge sur le contrat d’agence commerciale. Le commettant bulgare a doublement contesté les prétentions de l’agent : tout d’abord, le contrat était soumis au droit bulgare et non à la loi belge ; ensuite, les parties avaient choisi de recourir à l’arbitrage et avaient par là renoncé à saisir les cours et tribunaux d’un Etat déterminé.
Le contrat ou la loi ?
La cour d’appel d’Anvers a estimé que le contrat librement conclu par les parties devait l’emporter. Compte tenu des choix opérés par les parties dans leur contrat, la loi belge ne pouvait pas trouver à s’appliquer et les cours et tribunaux belges étaient dépourvus de juridiction. C’était aux arbitres de se prononcer.
La Cour de justice de l’Union européenne a de son côté rappelé que le principe d’autonomie de la volonté des parties au contrat constituait bien une pierre angulaire du droit européen. Il fallait donc dans toute la mesure du possible donner effet au choix des parties de faire application d’une législation nationale plutôt qu’une autre. La Cour de justice a également noté que dans certaines circonstances, une loi nationale pouvait malgré tout être appliquée bien qu’elle eût été formellement exclue par contrat. Les lois pouvant recevoir une telle priorité étant celles dont l’observation est jugée cruciale pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique d’un pays.
Des possibilités de contestation en perspective
A la lumière des principes dégagés par la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour de cassation a estimé que la cour d’appel d’Anvers n’avait pas légalement justifié sa décision de respecter purement et simplement le contrat signé par les parties. En conséquence, elle a cassé cette décision.
L’arrêt de la Cour de cassation jette un froid sur l’utilisation des clauses d’arbitrage dans les contrats d’agence commerciale lorsque l’agent est établi en Belgique. Le risque de voir de telles clauses ignorées en cas de litige est réel. Une des conséquences pratiques de cette situation est d’entraîner de longues discussions sur la question des tribunaux compétents (tribunaux arbitraux ou tribunaux étatiques). Et comme on l’a vu dans l’affaire que nous commentons, la simple réponse à cette question peut prendre plusieurs années et retarder d’autant le jugement des prétentions financières des parties.
Afin d’éviter de multiples recours sur la question de la juridiction compétente, il peut être opportun de demander à la partie adverse une confirmation de son accord sur les termes de la clause d’arbitrage et sur le choix du droit applicable une fois le litige survenu.